Morale,  Société

Euthanasie, 3 livres pour en parler

En ce début d’année 2022 où la politique et la bioéthique se mêlent et se percutent à l’approche des élections présidentielles, 3 ouvrages abordent la question de l’euthanasie.

3 livres pour un seul sujet, n’est-ce pas un peu beaucoup me direz-vous. Peut-être mais le sujet en vaut largement la chandelle et, en l’occurrence, le temps passé. L’ange d’attaque de chacun est propre à son auteur, les buts étant tous les trois différents. Les deux maisons d’éditions qui sortent ces trois ouvrages nous permettent de nous former sur ces questions de fin de vie et de l’euthanasie.

Je choisis donc de présenter ces trois nouveautés l’une après l’autre puis de faire une conclusion plus comparative. Ce choix permettra à chacun de se faire un avis plus personnel sur l’angle d’attaque avec lequel il souhaite aborder le sujet.

Quand l’euthanasie sera là…, Damien Le Guay

Note :

Auteur : Damien Le Guay

Note : 3.5 sur 5.

Éditions : Salvator

Difficultés :

Sortie : janvier 2022

Note : 2 sur 5.

Nbre pages : 150

Résumé de l’éditeur :

« Le combat est perdu. Je le reconnais à contrecœur, mais avec lucidité. Perdu. Depuis des années, dans les journaux, à la télévision, à la radio, dans des interventions publiques, je suis de ce combat contre l’euthanasie. Bientôt, tout bientôt, une loi sera votée. La pression est forte. Trop forte pour que la présente mandature ou la prochaine puissent résister. L’euthanasie est pour demain. Je le regrette. Le déplore même. Mais la militance de certains, le manque de courage d’autres et surtout l’étiolement d’une “éthique à la française” qui jusque-là tenait sa ligne de conduite, vont mener, sûrement, et tout prochainement, à une acceptation de l’euthanasie. Tout cela va arriver. Pour ma part, modestement, je défends la noble cause des soins palliatifs et vois bien, comme tous les gens de terrain, que l’euthanasie est incompatible avec cette approche respectueuse de la personne. Je suis de ceux-là, soucieux de tenir les rangs – mêmes s’ils sont clairsemés -, de défendre mes idées jusqu’au bout, surtout si je n’ai rien à y gagner, et que personne ne me paie pour les dire haut et fort. Ce combat-là, surtout s’il sent la déroute prochaine, devient un combat pour l’honneur. Le combat du dernier carré avant la défaite. Le combat de ceux qui se savent en sursis. »

4ème de couverture

Le combat perdu ?

Damien Le Guay porte au cœur de son ouvrage le souci de s’élever contre la légalisation de l’euthanasie. Son point de départ est le 8 avril 2021, jour où les députés ont – en nombre conséquent – voté pour l’article premier de la loi proposée par Olivier Falorni qui propose de légaliser l’euthanasie. Ce n’est pas son point de départ idéologique mais bien sur le temps court. La loi n’a pas été finalement votée par manque de temps parlementaire. Il ajoute à cela les comparaisons souvent faites avec les pays, comme le Suisse et la Belgique, qui ont déjà légalisé ce type de mort. 

L’auteur ne cherche pas à lutter contre une argumentation faussée – celle des pro-euthanasie – par un contre argumentaire. Il entre très vite dans le concret et oppose aux militants de cette mort des exemples de ce qui se passera si la loi passe. Il s’appuie pour cela sur deux sources : les exemples de nos voisins et la logique de ce que je pourrai appeler le « plus en plus ». Cette dernière théorie repose sur l’observation de lois qui ont évolué et été toujours plus permissives, par exemple PACS, PMA -> GPA,…

Quelques arguments intellectuels sont diffusés – bien entendu – mais ils sont souvent difficiles à distinguer nettement. L’ouvrage souffre un peu de cela.

Étonné par une inflexion sur l’euthanasie

Dans son propos si dithyrambique contre l’euthanasie j’ai été étonné de trouver une inflexion que ce soit vis-à-vis de l’avortement ou de l’euthanasie. Il est pour « une éthique d’aménagement des interdits ». Étonnant vu la teneur de son propos général. C’est justement ce qui était promis aux débuts des lois qui permirent l’IVG puis PACS, PMA, etc. Cette incohérence m’étonne encore alors que j’écris ces lignes.

De manière général j’ai trouvé que l’ouvrage est surtout un « voyez les conséquences d’une légalisation de l’euthanasie » plus qu’un ensemble argumentaire. Il a son intérêt dans le paysage car il pourra apporter des réponses concrètes et peut-être susciter un élan d’émotions salutaire.

Quand l’euthanasie sera là…



13,80€

L’auteur :

Philosophe, éthicien, Damien Le Guay s’intéresse, dans de nombreux ouvrages, aux questionnements spirituels d’aujourd’hui. Il enseigne dans deux ” Espace éthiques ” et connaît bien la vie monastique.

https://twitter.com/EditionSalvator/status/1491794215507877894

L’impasse de l’euthanasie, Henri de Soos

Note :

Auteur : Henri de Soos

Note : 5 sur 5.

Éditions : Salvator

Difficulté :

Sortie : janvier 2022

Note : 2.5 sur 5.

Nbre pages : 228

Résumé de l’éditeur :

Depuis quarante ans, plusieurs dizaines de propositions de loi sur l’euthanasie ont été déposées au Parlement, sans succès. Mais en 2021, pour la première fois, le principe d’une légalisation a fait l’objet d’un vote majoritaire de députés. Sommes-nous à la veille d’un basculement ? Dans cet essai, Henri de Soos analyse en profondeur les cinq principaux arguments des militants pro-euthanasie afin d’en souligner les limites et les incohérences. Plutôt que de considérer cet acte comme une ultime liberté, il met en lumière les dangers de renoncer à « l’interdit de tuer », fondement essentiel de notre relation entre soignants et soignés. L’auteur privilégie la voie suivie jusqu’à présent par la France et qui mérite d’être mieux connue et défendue : ni acharnement thérapeutique, ni euthanasie, mais des soins palliatifs de qualité et accessibles à tous. La liberté de quelques-uns ne doit pas l’emporter sur la fraternité envers tous, à commencer par les plus fragiles. Postface de Philippe Pozzo di Borgo.

4ème de couverture

Le titre de cet ouvrage est éloquent. Henri de Soos ne voit pas comment ne pas développer une pensée construite et argumentée :

« Les enjeux sont trop grands pour en rester à des slogans réducteurs ou des approches partielles. »

L’impasse de l’euthanasie, p.9

Son argumentaire contre l’euthanasie.

L’auteur, en s’appuyant sur d’autres ouvrages ainsi que sa propre expérience et capacité de réflexion, cherche à ce que le lecteur réfléchisse par lui-même. Il veut donner à tous la possibilité de grandir en intelligence des situations.

La courte introduction présente le plan de l’ouvrage qu’il divise en 5 parties :

  • Suivre « l’exemple » des pays étrangers ?
  • Se fier aux sondages d’opinion ?
  • Mettre fin aux euthanasies clandestines ?
  • Mourir vite pour ne pas souffrir ?
  • L’euthanasie, ultime liberté ?

Ces cinq questions ouvrent au lecteur un champ suffisamment large pour former son opinion à propos des cinq grands arguments utilisés de manière récurrente par les pro-euthanasie. 5 arguments, 5 questions ! N’est pas éloignée de ces interrogations celle du « suicide assisté » qui soulève des problématiques similaires.

Un plan clair et aidant.

Le plan de l’ouvrage est très clair et permet de suivre facilement la pensée de l’auteur. Ses nombreuses références bibliographiques et les larges citations de divers documents appuient son propos. Chacun n’est alors plus renvoyé à ce qu’il ressent mais bien à ce qu’il peut penser et réfléchir. Sa démarche montre que ces lois ne peuvent être réfléchies dans un contexte de « bon sentiment ». Elle pousse plutôt à ce que l’intellect, soumis au réel, accompagne les situations concrète.

La place des soins palliatifs face à l’euthanasie.

Comme les deux autres auteurs présentés ici, de Soos rappelle que le développement des soins palliatifs est la voie de l’accompagnement humain. La deuxième partie a été pour moi très instructive. En effet, les sondages commandés par l’ADMD (Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité) mettent en avant que plus de 90% des français sont pour l’euthanasie. Or il montre assez facilement – en reprenant les questions posées – que les questions elles-mêmes sont biaisées. Je ne suis donc pas seul à ne pas être en désaccord avec une telle permission

« Il convient, tout d’abord, de rappeler un élément essentiel quand un pays change la législation : la loi possède un caractère normatif qui contribue à changer les mentalités, puis les comportements des citoyens. C’est particulièrement vrai pour toutes les lois dites « sociétales », qui touchent à des principes éthiques majeurs. »

L’impasse de l’euthanasie, p.198

Chaque argument usé est analysé pour mieux être contré. L’auteur ne laisse rien au hasard de la discussion. À la fin de l’ouvrage, le lecteur aura quelques armes concrètes pour répondre de manière pertinente aux promoteurs de l’euthanasie. De plus il aura, je l’espère, fait évolué sa pensée vers la promotion de soins véritable qui puissent inclurent les souffrances physiques, psychologiques et spirituelles. 

L’être humain tout entier doit être regardé, aidé ; oublié une partie revient à oublier le tout.

L’impasse de l’euthanasie



20€

L’auteur :

Henri de Soos est diplômé de Sciences Po Paris et titulaire d’une maîtrise de droit. D’abord volontaire du mouvement ATD Quart Monde, il a ensuite été DRH d’une grande entreprise industrielle pendant près de trente ans. À partir de 2011, il s’est spécialisé dans les questions liées à la bioéthique. Au sein de l’association Alliance VITA, il a notamment été responsable du service d’écoute SOS Fin de vie. Marié et père de famille, il a publié le Petit alphabet de l’amour (Le Livre Ouvert, 2008).

https://twitter.com/EditionSalvator/status/1484124660241424384

Fin de vie en République, Erwan le Morhedec

Note :

Auteur : Erwan le Morhedec

Note : 5 sur 5.

Éditions : Cerf

Difficulté :

Sortie : Janvier 2022

Note : 3 sur 5.

Nbre pages : 208

Résumé :

Quand certains demandent un droit de mourir dans la dignité par l’euthanasie, doit-on considérer dès lors comme indigne la mort naturelle des autres ? Comment en sommes-nous arrivés à un tel paradoxe ?

À la fois libelle et enquête, le livre-évènement d’Erwan Le Morhedec force à regarder les choses en face : si l’euthanasie et le suicide assisté sont légalisés, les valeurs fondamentales de liberté, d’égalité et de fraternité qui fondent l’humanisme républicain de notre société seront corrompues. Cette loi soumettra des êtres parvenus au stade ultime de la vulnérabilité aux pressions conjointes de la société, de la médecine et de l’entourage. Elle oblitérera la latitude de jugement des soignants et des familles, les placera face à des contradictions et des dilemmes insurmontables, les forcera à la désincarnation pour faire d’eux un instrument fatal.

Mais cet ouvrage essentiel n’est pas que percutant. Il est aussi convaincant en raison de l’investigation de terrain qui le fonde. C’est auprès des soignants, des malades et de leurs proches, dans les établissements de soins palliatifs, qu’Erwan Le Morhedec est allé recueillir, au cours d’heures d’entretiens, les témoignages de situations réelles.

La France est-elle prête à tant d’aubes lugubres ?

4ème de couverture

L’euthanasie, sujet de l’actualité politique et sociétal.

Erwan Le Morhedec propose cette fois encore d’aborder un sujet brulant dans notre société. À la veille des élections il sort avec les éditions du Cerf « Fin de vie en République ». Le titre évocateur n’a pas besoin de plus de détail : euthanasie ou suicide assisté sont les thèmes de cet ouvrage.

De nombreuses sources

Pour s’attaquer à ce débat, l’auteur s’est vraiment beaucoup documenté. Complétant ses lectures – françaises ou étrangères – par de nombreux entretiens, il offre au lecteur une vue d’ensemble. C’est-à-dire à la fois le côté scientifique d’une réflexion posée et le côté humain de ceux qui s’engagent pour la vie jusqu’aux derniers instants. Ces enquêtes de terrains donnent à ses arguments et son propos une dimension supplémentaire. Il est intéressant qu’il interroge l’ensemble du corps médical pratiquant les soins palliatifs (infirmières, aides-soignantes, médecins, psychologues). Cette diversité est bienvenue.

Sans dériver de son but il met en avant les dérives possibles notamment en citant le cite de l’ADMD. Il commente alors :

« Dans leurs textes […] on s’aperçoit que la mort ne résulte pas d’une évolution mais d’une décision. Ainsi l’euthanasie peut-elle intervenir à tout moment de la vie, puisque la « fin de vie » intervient quand on décide de mettre fin à la vie, et non quand elle y parvient naturellement. »

Fin de vie en République, p.91

Défendre la vie avec un plan républicain !

Le plan que l’auteur a choisi m’a au début étonné mais colle tout à fait au titre « Fin de vie en République ». Les trois parties reprennent – et c’est très bien senti – la devise de la France. Erwan Le Morhedec laisse une large place au chapitre sur la Liberté puisque cet argument ressort le plus dans les interventions des pro-euthanasie. Les chapitres qui suivent Égalité et Fraternité sont plus court mais ils font plus largement intervenir les soignants. Ceux qui soignent, dans leur grande majorité, ne veulent pas donner la mort. L’une des choses que je retiens c’est la passion de ces hommes et ces femmes pour leurs patients. Au nom de la fraternité peut-on obliger quelqu’un à donner la mort ?

Il met en avant trois pressions : culturelle – la société –, médicales et familiales – souvent dues à l’épuisement. Ces pressions apparaissent également dans les deux autres ouvrages.

Fin de vie en République



18€

L’auteur :

Avocat, blogueur sous le nom de Koz, chroniqueur à La Vie, Erwan Le Morhedec est l’auteur remarqué d’Identitaire – Le mauvais génie du christianisme. Membre du comité scientifique du collectif « Plus digne la vie » depuis 2008, il a accompagné plusieurs associations de soins palliatifs.

Conclure à propos de ces 3 livres

J’ai eu une préférence personnelle pour l’ouvrage « L’impasse de l’euthanasie » du fait de son plan. L’organisation choisie par Henri de Soos m’a permis de clarifier ma pensée plus simplement. Ce choix m’ouvre une capacité plus directe à répondre aux arguments de ceux qui sont pro-euthanasie ou qui ne voient pas le problème.

L’apport de l’ouvrage d’Erwan Le Morhedec est indéniable du point de vue des enquêtes de terrain qu’il a mené. Il met ainsi à disposition du lecteur l’avis de personnels impliqués.

Pour conclure avec l’ouvrage de Damien Le Guay son propos engagé et fort poussera ceux qui manquent de force à la puiser dans la perspective d’une telle permission

Je reprends à mon compte la fin de la 4ème de couverture de « Fin de vie en République » : « La France est-elle prête à tant d’aubes lugubres ? »

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Prêtre du #diocèse #Beauvais @catho60. Encore en étude jusqu'en 2021 en théologie morale. Avant d'entrer au séminaire pour @catho60 j'ai fait mes études à @UniLaSalle_fr école d'ingénieur agricole dont je suis diplômé. Ce blog est né car lors de ma formation au séminaire certains professeurs m'ont demandé de m'exercer à écrire et développer une pensée. De plus j'ai trouvé ce moyen car il peut m'être utile et être utile à d'autres et cela m'oblige à lire ! Mon article préféré : https://lirechretien.fr/2015/05/01/comment-jai-vu-dieu-a-loeuvre-dans-la-maladie-de-mon-frere/

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