Église,  France,  Histoire

Le pape prisonnier de l’empereur – S. CERUTI

Découvrez Pie VII au centre de l’histoire de l’Église, de l’Europe et de la France au XIXème siècle. Un pape, la liberté en moins ?

Résumé de l’éditeur

Un conflit entre Dieu et César, au début du xixe siècle ? Comment et pourquoi le pape Pie VII (1742-1823) a-t-il été emprisonné par Napoléon, entre 1809 et 1814 ? Si le fait est assez connu, l’arrestation, la détention à Savone, puis à Fontainebleau, et les transferts « secrets » méritent d’être racontés. L’auteur de ce livre les relate de manière très vivante en s’appuyant sur les rapports des « geôliers » du pontife, le préfet Chabrol et surtout le capitaine Lagorsse, dont les écrits savoureux sont conservés aux Archives nationales. À travers des péripéties souvent douloureuses et parfois pittoresques, Pie VII apparaît comme une forte personnalité qui accepte les contraintes mais fait preuve aussi d’une extraordinaire puissance de résistance. Sa bienveillance se vérifie dans les rapports qu’il entretient avec ses geôliers et avec l’empereur – au point de se faire parfois berner. Mais plus largement, l’événement illustre le choc de deux personnalités très contrastées, Napoléon et Pie VII, ainsi que l’opposition entre autorité spirituelle et pouvoir impérial. Un épisode majeur, bien que méconnu, de l’histoire complexe des relations entretenues, en France, entre l’Église et l’État, conté avec beaucoup de talent par Serge Ceruti.

Serge Ceruti, agrégé d’histoire en retraite et passionné de l’époque impériale, choisit de s’intéresser aux relations orageuses entre le pape et l’empereur pour le 200e anniversaire de la mort de Pie VII en 2023. Non seulement il raconte en détail avec un style vivant les relations entre les deux personnages, mais il agrémente son récit de gravures d’époque peu connues et très significatives, d’une biographie assez détaillée d’un des geôliers du pape, Antoine de Lagorsse qui sut combiner humanité à l’égard de son prisonnier et fidélité à l’empereur, un petit dictionnaire biographique des principaux personnages, une abondante bibliographie, bref qui voudra pousser plus loin la connaissance des conflits religieux de cette époque aura là une bonne ressource. 

Pie VI, mort en 1799 à Valence, prisonnier du directoire, un conclave restreint se réunit à Venise sous la protection de l’Autriche et traine pendant trois mois avant d’élire un pape de compromis qui n’était nullement candidat. Ce fut Pie VII. Ce bénédictin ouvert, lecteur de Condillac, acheteur de l’ Encyclopédie, enseignant pour ses jeunes confrères, ami et confesseur de Pie VI, devenu évêque puis cardinal, n’était nullement un intégriste et n’était pas dénué d’une certaine sympathie pour son interlocuteur, Bonaparte, alors premier consul qui lui avait rendu (provisoirement ? ) sa souveraineté sur Rome et ses États. Celui-ci était pressé de mettre fin à la révolution sans trop mécontenter les révolutionnaires. Celui-là était heureux de sortir d’un temps de persécutions et de désorganisation de l’Église. Un concordat fut signé en 1801. Il imposait à tous les évêques de démissionner afin que le Pape puisse en nommer le nombre voulu pour les nouveaux départements.

Pie VII obtint la restitution de ce qui restait des biens du clergé après beaucoup d’achats sur lesquels il n’était pas possible de revenir, accepta un traitement de la République pour les évêques nommés par lui. Bref, comme-ci comme-ça, l’Église retrouvait une place légitime en France. Bonaparte ne tarda pas à compléter le traité par des articles organiques que le pape n’accepta pas. Néanmoins, dans l’espoir d’obtenir certaines concessions, il accepta de venir bénir le sacre par lequel le premier consul Bonaparte se faisait l’empereur Napoléon. Il n’obtint rien de lui sinon du faste, mais une énorme popularité de la part du peuple français qui l’acclama sur tout son parcours.

De 1804 à 1809 les relations se dégradent : un esprit laïque s’infiltre dans beaucoup d’institutions et surtout les domaines du Pape sont de plus en plus menacés. Or il ne s’agit pas d’une simple question politique. Le pape n’est pas propriétaire de ses domaines qui ont pour raison d’être d’assurer sa liberté. Le Pape ne doit être le sujet d’aucun souverain temporel. La situation s’aggrave jusque au jour de mai 1809 où Napoléon décrète l’annexion des États de l’Église. Le Pape répond par l’excommunication. Napoléon est alors occupé par la bataille de Wagram. Ses représentants à Rome enlèvent le Pape et l’emprisonnent, ce que Napoléon n’aurait sans doute pas fait dans un premier temps. Enfin, il accepte le fait accompli. Commencent 56 mois de captivité, presque 5 ans, qui ne se termineront qu’en janvier 1814 quelques mois à peine avant la première abdication de l’empereur. Oh ! une captivité dorée, d’abord à Savone ! le Pape est traité comme un prince mais étroitement surveillé et soumis à toutes sortes de pressions. Il ne veut que la liberté et refuse l’idée même d’une pension. Il ne veut pas devenir un pontife impérial, fonctionnaire ecclésiastique pour 2 millions de traitement.

D’ailleurs tout ce faste l’ennuie. Il a été moine ! Il est pieux, patient et calme. Il mange peu, lit beaucoup. Il lui suffit, pour vivre, d’un écu par jour. Pendant ce temps, Napoléon commence à perdre des batailles. C’est la campagne de Russie, puis la campagne de France. En mai 1812 le pape est transféré, malade, à Fontainebleau. Le voyage est très pénible et au bout de plusieurs mois Napoléon, rentré, de Russie lui arrache un concordat qu’il désavoue deux jours après. C’est la fin de leurs relations. Napoléon, après Waterloo est relégué à Sainte Hélène où il mourra âgé de 52 ans. Le pape, lui, retourne à Rome au milieu des ovations des Français qui lui assurent un vrai triomphe tout au long de sa route. Il lui reste 9 ans à gouverner sagement l’Eglise, et Il mourra deux ans après Napoléon, âgé de 82 ans, en 1823. Mais le problème de l’indépendance des États du Pape se posera de nouveau avec l’unité italienne et ne sera réglé que par la création de l’ État du Vatican le 11 février 1929, par les accords du Latran entre Pie XI et Mussolini.

Grande histoire que celle de ce moine qui fut pape sans le vouloir, n’obtint rien de Napoléon mais un triomphe auprès du peuple chrétien. Il est le premier pape à avoir un long et véritable contact avec une foule. L’histoire de plus d’un de ses successeurs n’est pas sans analogie avec la sienne., Jean-Paul II, Benoit XVI, n’obtiennent rien ou bien peu de l’État mais sont ovationnés par des foules lorsqu’ils se déplacent. Même François, après des concessions à l‘Islam inimaginables naguère, et un succès mitigé auprès des autorités, dans son récent voyage en Afrique, est acclamé par des foules immenses. Oui l’avenir du catholicisme est sans doute là, dans un peuple fervent d’où naitront peut-être un jour, des autorités toutes nouvelles.

Le pape prisonnier de l’empereur



23€

Auteur :

Serge Ceruti est agrégé d’histoire et géographie. Après une carrière dans l’enseignement, il se passionne pour l’histoire du Premier Empire. Il collabore à la Revue d’histoire de Fontainebleau.

Commentaires Facebook

Ne loupez pas une sortie !

Nous ne spammons pas ! Consultez notre politique de confidentialité pour plus d’informations.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.